Comment travaillent les journalistes en temps de guerre en Ukraine ?
Depuis le 24 février 2022, le jour où la Russie a lancé une attaque à grande échelle contre l’Ukraine, trente-sept journalistes sont morts sur le terrain.
Les journalistes disparaissent, sont torturés, ou fusillés par les Russes. C’est le cas du journaliste de la chaîne de télévision française BFM, Frédéric Leclerc-Imhoff qui figure parmi les morts. Apparemment c’est tout ce qu’il y a à savoir sur le travail des journalistes en Ukraine en temps de guerre.
Mais la guerre continue ainsi que le travail quotidien des journalistes.
Dans la région occupée de Louhansk un journaliste continue son travail dans des conditions difficiles. Il est contraint d’écrire des textes de propagande sous la menace d’une arme. Et lorsqu’il se retrouve en territoire sous contrôle ukrainien il a peur de dénoncer les crimes russes et dire son nom, parce que ses proches sont restés en zone occupée.
Un autre journaliste infiltré dans Marioupol et Kherson travaille dans ces villes occupées. Il doit changer une dizaine de fois d’appartements en quelques mois, pour ne pas être traqué. Sur Facebook, il écrit sur la vie merveilleuse en Pologne, à des fins de diversion. En réalité, il se cache dans un sous-sol et continue à gérer des pages d’information.
Il faut parfois fuir. Obtenir de faux papiers, endosser un nouveau nom pendant plusieurs semaines, faire pousser une barbe ou, au contraire, la raser. Juste pour passer le filtrage russe. Mais le drapeau ukrainien est toujours caché tout au fond de votre sac.
A Kharkiv, qui a été pilonné par les Russes jour après jour pendant six mois, un journaliste ne dort que quelques heures mais tous les matins, il filme les crimes russes causés par les missiles. Chaque jour il parle à des personnes traumatisées physiquement et moralement, et qui ont tout perdu : des proches, un logement. Il doit à chaque instant penser à ne pas les blesser davantage.
Idem dans l’oblast de Tchernihiv qui est occupé et encerclé. Des centaines de chars russes entrent dans les villes et les villages. Le journaliste doit monter sur le toit d’un grand immeuble pour atteindre le seul endroit où capter internet. Parce qu’il est vital de diffuser des informations.
Parfois, il suffirait de dire : « Aujourd’hui, ils ont résisté, ils sont vivants » mais vous ne savez pas ce que vous craignez le plus, perdre votre propre vie ou votre téléphone avec des photos et des vidéos que vous n’avez pas encore réussi à transférer. Car le téléphone est le seul outil qui vous reste*. Malgré tout, vous continuez à travailler et vous faites ce que vous pouvez là où vous êtes.
*Moi-même maintenant j’ai un ordinateur, un portable, mais j’écris toujours au téléphone
Marуna OSIPOVA
Sources
RSF « Dans les zones ukrainiennes occupées, « les Russes nous laissent le choix : la collaboration, la prison ou la mort »,
« Bihus Info » (Ukraine, Kyiv), documents d’Hanna Arhirova, (Ukraine), ainsi que les entretiens de l’autrice avec les journalistes Maria Malevska (Kharkiv) et Svitlana Tomash (Horodna, région de Tchernihiv) Svitlana Tomash a reçu le prix de l’Ordre de la princesse Olga III du président ukrainien pour son travail pendant l’occupation.