Mon cher Apache,
Très tôt, tu as eu raison. « Je me suis mis à écrire comme on enfile une tenue de combat. » me disais-tu.
Voilà plus de 25 ans que je suis complice de cet homme charmant, espiègle et bienveillant. La douceur incarnée.
En avril dernier, tu avais répondu à l’invitation de la Ville de Strasbourg pour participer avec Kamel Daoud, Florence Aubenas, Andreï Kourkov et bien d’autres à l’inauguration de « Strasbourg, Capitale mondiale du livre Unesco ». Inconsciemment, j’avais programmé plusieurs auteurs franco-algériens, je ne pensais pas alors être au cœur d’un volcan…
Mon cher Boualem, tu as aujourd’hui disparu au fond d’une prison, parce qu’un régime autoritaire, adepte des pires méthodes poutiniennes, ne semble pas comprendre qu’on n’emprisonne pas Voltaire et la liberté de penser.
Dans ton premier roman, « Le Serment des barbares », tu expliquais déjà la montée de l’islamisme et l’impasse politique de ton pays. Très critique à l’égard du pouvoir que tu juges corrompu, autoritaire et indulgent avec les Islamistes, plusieurs de tes ouvrages seront censurés en Algérie, comme « Poste restante, Alger » ou encore « Le Village de l’Allemand ».
Figure de la dissidence, comme Soljenitsyne, en lutte contre le fondamentalisme et l’autoritarisme, tu n’as pas à devenir un pion dans la difficile relation entre la France et l’Algérie. Boualem Sansal, Kamel Daoud… Ou la « prise d’otage » de Paris par Alger.
Mon cher Boualem, tu n’as jamais été aussi présent que par ton silence brutal et assourdissant. Tu seras toujours chez toi à Strasbourg, cette grande ville humaniste. Je pense à toi, à ton grand sourire, à ta tête de vieil indien et je prie pour toi parce que les écrivains n’ont pas leur place en prison.
François Wolfermann
Bibliothèques idéales
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