La loi Cressard a eu 50 ans le 4 juillet 2024.
Fondatrice des droits des pigistes en tant que salariés, elle représenta une immense avancée en 1974. Depuis elle a été précisée, par des accords sur leurs droits à la formations, à la couverture santé, maladie et maternité, par des montants minimum de piges… En entreprises, ils sont de plus en plus l’objet de négociations, leur accès aux activités sociales et culturelles s’est élargi, et les pigistes eux-mêmes s’engagent de plus en plus comme élus CSE.

Pourtant, la loi Cressard semble aussi plus que jamais contournée et contestée. Rémunération sur facture, en droits d’auteur, abus du statut de correspondant local de presse, voire rémunération en places de concerts ou de voyages… l’imagination des employeurs semble sans limite pour nier le lien de subordination. Les conséquences sont lourdes : protection sociale moindre, absence de filet de sécurité, isolement accru, difficulté d’accès à la carte de presse… Même quand le paiement « en salaire » est respecté, les abus continuent : CDD d’usage, non-paiement de la prime d’ancienneté, rupture de collaboration sans indemnités de licenciements…
Tout cela, souvent assumé par les red chefs et directions des ressources humaines en question, considérant les pigistes comme extérieurs, pas vraiment salariés, avec des demi-droits.

Qu’importent les textes, on interprète, on relativise. Et même quand les interlocuteurs des pigistes sont de bonne volonté, la complexité de leur mode d’exercice, à la tâche, multiemployeurs, finit par repousser leurs problématiques spécifiques aux calendes grecques. Les pigistes sont certes indispensables, flexibles et bon marché, mais casse-pied !
Vu comme ça, difficile de considérer l’anniversaire de la loi Cressard comme une fête.

Ne cédons pas au découragement ! Engageons-nous pour faire appliquer les droits existants, demandons à l’Etat de jouer son rôle contre l’impunité, conquérons de nouveaux droits (des barèmes minima de piges dans vraiment toutes les formes de presse, un statut pour les pigistes à l’étranger…).

Et surtout, faisons jouer partout la solidarité. Quand leurs donneurs d’ordre sont conscients de leurs droits, les considèrent comme de véritables collaborateurs, qu’ils les soutiennent face à la direction, leur vie change. Les pigistes n’ont pas besoin de compassion, mais d’alliés.

Elise Descamps
Secrétaire générale de CFDT-Journalistes
elise.descamps@cfdt-journalistes.fr

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