Le journalisme entre transition et dynamiques d’intérêts
En tant que jeune étudiant et aspirant à devenir journaliste, je me suis engagé dans l’écriture et dans la création de contenus pour informer. A mon échelle, je me bats avec mon équipe pour produire un journal régulier en format papier. Format historique qui a marqué la genèse de la profession et de la transmission des nouvelles, il est depuis une trentaine d’années en crise, crise de grande échelle qui touche les plus grands journaliers et hebdomadaires. Chaque année, son audience diminue et cela a été exacerbé par les épisodes de confinement et par l’épidémie de Covid-19. 2021 a par exemple été marquée d’un recul de 2,9% des ventes de journaux et magazines. Quel avenir envisageable ?
Cette baisse de la consommation d’informations papier n’est pas problématique en soi car le lectorat se tourne vers d’autres moyens de communication, la presse en ligne sur internet et les réseaux sociaux. Cependant, là où porte ma vigilance est l’avenir de la presse en tant que marché, marché qui se sensibilise par le règne de l’immédiateté, de la dépendance économique et des forces centripètes de concentration. Hormis quelques rares marques de presse, la majorité de l’information proposée par les médias est visionnée sur téléphone. Bien que certains médias arrivent à se financer et à être indépendants grâce au système d’abonnement, ils sont peu. Les médias locaux face à cette transition immense peinent à rester attractifs. La presse en ligne restant accessible gratuitement pour beaucoup d’articles, cela ne permet pas aux médias d’être rentables. Ce n’est pas grave en soi mais cela pose problème dans une société dirigée par le profit. Les marques de presse se font alors racheter par ceux qui en ont les moyens pour continuer à exister. Le monde journalistique s’inscrit sur un marché d’oligopoles où quelques milliardaires possèdent le quatrième pouvoir, est-ce acceptable en démocratie ?
Dans un monde marqué par la hausse des prix du papier, par le désintérêt croissant du format papier pour le format numérique et de la montée en puissance des réseaux sociaux, la transition vers le tout numérique est plus que probable, entrainant la fin d’un modèle, celui des kiosques à journaux et la concrétisation de la domination de l’information brève et inachevée. Le numérique permet à toute une nouvelle génération de rester connectée à l’information et à toute une population d’avoir où qu’elle se trouve en temps réel les nouvelles du monde. Une simple connexion internet suffit. Le travail du journaliste est selon moi en danger. Le numérique et les réseaux sociaux naviguent sur le présent, présent qui se veut court donc information qui se doit d’être courte. Où est le travail d’analyse, où est le travail d’enquête, quel recul avons-nous sur ce que nous apprenons ?
Ne faudrait-il pas lever les yeux de nos écrans, revoir notre attitude de consommateur addict d’informations pour accepter de revenir à un temps où l’information était moins immédiate mais travaillée par le journaliste : maturée, vérifiée, analysée ?
J’ai peur qu’à l’avenir la majorité des productions journalistiques ne soit du « fact checking » des tentatives de désinformation et que les IA suffisent aux journalistes et dépêches AFP. Je reste pourtant optimiste quant à la capacité d’adaptation de la profession qui restera une lumière dans nos sociétés.
MATIS BILLER-GOEFFERS
Président – Media Propos – Sciences Po Strasbourg
matisbillergoeffers@gmail.com
Sources :
https://lareclame.fr/mathieulehot-chiffres-presse-francaise-236504