C’est parti pour un second tour. Vite. Réfléchir : quels rapports de force ? Quels sujets creusés ? Quels angles ? Les réflexes sont là. L’adaptation, dans le journalisme nous connaissons. Trouver les bons mots, les bons termes. S’attacher aux décisions juridiques, à ce qui est acté. Tendre le micro, comprendre toujours. Les résultats tombent. Nous respirons, cherchons l’air. Le souffle est court. Vite, refouler le malaise. Ça va passer.

Mais ça ne passe pas. Les appels à prendre position se succèdent dans les rédactions : signer, ne pas signer ?

En tant qu’acteur de la société civile, nous nous devons de choisir notre camp, face à un parti favori des urnes, qui promeut la violence, la stigmatisation et le repli sur soi, affirme ouvertement sa haine des journalistes, compromet le droit d’informer, l’exigence de pluralisme, les libertés publiques. En tant que journaliste, nous sommes tenus à notre éthique, à la pluralité des sources.

Face au malaise, le débat s’ouvre : doit-on traiter le RN autrement ? Et le Nouveau Front populaire, et la majorité présidentielle ? Le débat est sain, nécessaire et évident. Il se pose avec d’autant plus de force que le RN dispose désormais de porte-voix sur plusieurs chaînes dédiées. Des chaînes qui ne s’inquiètent même plus des remontrances de l’Arcom.

Le questionnement, un bol d’air. Dans cette société polarisée, continuer à se poser des questions, à s’interroger sur notre couverture est déjà une prise de position. Dans une rédaction, nous avons tous des visions, des points de vue différents, nous n’avons pas tous le même parcours, le même statut, la même expérience. Faire naître et entendre la pluralité des voix des journalistes, sur une problématique aussi prégnante, est plus que nécessaire.

Il y a 22 ans, tous les médias avaient appelé à faire barrage à l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, nous savons déjà que cette unanimité n’aura pas lieu. Nous serons obligés de nous positionner dans un contexte délétère et d’extrême polarisation de la société. La seule manière de dissiper tout malaise.

Loreline Merelle
Journaliste ARTE
loreline.merelle@arte.tv

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