Rédigé par les chercheurs et collaborateurs du Reuters Institue et de l’Université d’Oxford, le Digital News Report paraît chaque année. En s’appuyant sur plus de 46 marchés répartis sur 6 continents, infographies et statistiques rythment ce rapport qui révèle l’évolution de l’usage des médias et du rapport à l’information.

En quelques points, voici les principaux résultats à retenir, en France et ailleurs :

 

 

  • Sur l’ensemble des 46 marchés, seuls 22% des consommateurs d’infos sont actifs en commentant et repartageant l’info. La moitié des consommateurs d’infos sont cependant complètement passifs, ils lisent ou survolent simplement l’information.
  • La presse écrite a encore la côte : en France, 39% des sondés préfèrent lire ; c’est plus que ceux préférant regarder ou écouter l’information. Le podcast est lui en léger recul, 28% en écoutent au minimum un par mois contre 32% en 2022.
  • Plus préoccupant, les Français opèrent maintenant une déconnexion active. Ils cherchent volontairement à contourner l’information. Il ne s’agit plus seulement de ne pas regarder l’information mais plus précisément de faire en sorte de ne pas la voir en trouvant des stratégies individuelles. Au podium des sujets évités, on retrouve la guerre en Ukraine, la politique et la Covid.
  • Dans le podcast « Pastille Actu » de Mediarama, Alice Antheaume, directrice du master de journalisme de Sciences Po et correspondante Reuters en France, l’identifie comme une déconnexion des hard news. Les lecteurs privilégient un journalisme positif ou axé sur des solutions plutôt qu’un matraquage anxiogène.
  • Seuls 11% des consommateurs d’information sont prêts à payer pour celle-ci. Les pays du Nord avoisinent eux les 70%. On l’explique par une spécialité française, la grande « diversité d’initiative journalistique et le dynamisme du tissu d’implantation » nous explique Alice Antheaume. Selon l’enseignante chercheure, cela se caractérise par les nombreuses alternatives gratuites qui nous sont proposées pour accéder à l’information.
  • Malgré l’inflation, les Français restent prêts à payer pour en moyenne deux abonnements pour des organes de presse parmi ceux qui font le choix de payer l’information. C’est plus que dans les autres pays étudiés.
  • Spécifiquement en France, le service public de l’information est très ancré dans le paysage médiatique. La population interrogée le considère comme un bien public qui serait naturellement gratuit.
  • Gros point noir du rapport côté français, seuls 30% des Français ont confiance dans les médias. Cela fait figurer la France au 36è rang sur 46. Il y a quelques années, on le liait à la crise des Gilets Jaunes mais aujourd’hui, une explication plus structurelle de « grognerie française » émerge. Comme le montre le graphique ci-dessous, plus d’un Français sur deux (55%) entend souvent quelqu’un critiquer les médias. Un haut niveau de critique et un discrédit des médias par les politiques y est inhérent. Seule la presse locale est identifiée comme digne de confiance car proche des intérêts de ses lecteurs.

 

Titre : Pourcentage de la population nationale qui entend régulièrement des critiques sur les journalistes ou les médias

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus généralement, les Français ne cherchent plus l’information, ils la consomment telle qu’ils la voient. Les responsables d’édition repensent leur stratégie d’implantation en conséquence et de plus en plus d’entre eux se lancent sur TikTok ou d’autres applications utilisant un algorithme.

Laurent OFFERLE-GUILLOTIN, étudiant journaliste au Club de la Presse Strasbourg Europe

Lien vers le rapport : https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/digital-news-report/2023

X