L’intelligence artificielle est-elle un ange qui révolutionne le journalisme ou un démon qui le menace d’extinction ? Depuis plusieurs années, l’IA s’immisce dans nos vies et, avec elle, dans les rédactions. La promesse est séduisante : génération automatisée d’articles, analyse prédictive des tendances, correction orthographique avancée, traduction instantanée. Pourtant, cette technologie pose une question essentielle : quel sera le rôle du journaliste de demain ?

L’IA : un outil au service du journalisme

Si elle est bien utilisée, l’IA peut être un allié précieux. Déjà, certaines rédactions l’exploitent pour traiter d’énormes volumes de données, générer des résumés d’articles ou encore identifier de fausses informations circulant sur les réseaux sociaux. Dans un monde où l’instantanéité prime, les algorithmes permettent d’accélérer le travail journalistique et de libérer du temps pour l’enquête et l’analyse.

D’un point de vue technique, elle améliore la distribution de l’information en personnalisant les contenus en fonction des préférences des lecteurs. Le ciblage intelligent des articles et l’optimisation SEO augmentent la visibilité des médias de proximité et renforcent leur audience. Certains journaux, notamment en presse quotidienne régionale, s’appuient sur ces technologies pour renforcer leur ancrage local et fidéliser leurs abonnés.

L’illusion du journalisme automatisé

Mais si l’IA semble rendre de nombreux services, elle ne peut en aucun cas se substituer au travail du journaliste. Une machine, aussi performante soit-elle, ne dispose ni d’un regard critique, ni d’une capacité d’investigation, ni d’une conscience éthique. Elle se nourrit de données existantes sans pouvoir vérifier leur fiabilité ou percevoir les subtilités du terrain.

Le journalisme, et plus particulièrement la presse locale et professionnelle, joue un rôle fondamental en assurant une information de proximité, une mise en perspective et un relais des problématiques de terrain. Une IA pourra compiler des chiffres, produire un article standardisé, mais elle ne pourra jamais interroger une source, décrypter une réaction politique ou comprendre l’émotion derrière un témoignage.

Comme l’a montré le dernier baromètre Viavoice sur l’utilité du journalisme (mars 2025), 86 % des Français considèrent cette profession comme essentielle. Plus encore, la vérification de l’information reste leur principale attente (67 %), bien avant la recherche d’informations pratiques ou de faits de société. Face à la montée des fake news et à la défiance envers les médias, les citoyens réclament du fact-checking, une analyse approfondie et des enquêtes de terrain, soit des missions que seule une presse humaine et indépendante peut garantir.

IA et journalisme : une cohabitation nécessaire

Alors, ange ou démon ? Tout dépendra de l’usage qui en sera fait. L’IA doit être un outil d’assistance et non un remplaçant. Elle peut optimiser certaines tâches, mais ne pourra jamais remplacer l’investigation, l’éthique et la sensibilité du journaliste. L’avenir du journalisme ne repose pas sur une opposition homme-machine, mais sur une complémentarité intelligente.

C’est pourquoi la presse, et plus particulièrement la presse locale et indépendante, doit s’approprier ces nouvelles technologies sans renier sa mission première : informer avec rigueur et humanité. Car derrière chaque article, il y a un journaliste qui enquête, recoupe, vérifie et donne du sens. Une IA pourra bien écrire, mais elle ne pourra jamais ressentir.

Dans ce contexte, les médias doivent être proactifs : former leurs équipes aux nouveaux outils numériques, développer des contenus enrichis par l’IA tout en maintenant une ligne éditoriale forte et éthique. L’IA ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une opportunité d’accompagner les évolutions du métier, sans jamais en trahir l’essence.

En somme, l’IA n’est ni ange ni démon. C’est un levier, un outil qui, utilisé avec intelligence et responsabilité, peut renforcer le journalisme de demain. Mais sans journaliste, pas d’information crédible. Et c’est bien là que réside la clé : dans un monde saturé de données et d’algorithmes, plus que jamais, nous avons besoin de professionnels de l’information pour donner du sens à ce flot continu de nouvelles. Et ça, aucune IA ne pourra jamais le faire.

Stéphane Janus
Directeur général
EST AGRICOLE ET VITICOLE / PAYSAN DU HAUT-RHIN
s.janus@est-agricole.com

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