« L’inclusion désigne la capacité de participation d’un individu dans une sphère sociale, un lieu, un collectif. En ce sens, une société inclusive, une institution inclusive ou une pratique inclusive mettent des choses en place pour ne pas laisser des individus exclus. »*
Cependant, l’inclusion n’est pas un long fleuve tranquille, mes deux années à Saint-Guillaume m’ont démontré que le chemin était encore long et semé d’embûches. Pour preuve, Saint-Guillaume est, malheureusement encore, la seule et unique église LGBT+ et inclusive du Grand Est… Accepter l’autre inconditionnellement, dans toute sa diversité, n’est pas facile pour l’être humain. Sur le plan artistique, il en est de même.
Je crois fermement que l’Art existe avant tout pour être reçu par un public. Il est un partage, une communion. C’est pourquoi, en ces temps si troublés, réussir à réunir des centaines, des milliers de personnes dans un même lieu pour vivre une expérience artistique commune est plus que précieux. Or, seul l’art permet encore ce miracle, celui de nous unir en dépassant nos différences, en appelant à l’universalisme de l’être humain.
Je suis également convaincu que le but, l’essence de l’art est de transmettre un message, de questionner. Il n’est pas là (que) pour plaire, encore moins pour faire l’unanimité. A ce titre, la création artistique nous fait avancer car toute chose immuable est, de facto, l’antithèse de la vie qui est évolution. Le meilleur exemple en est le langage, toute langue évolue et se modernise, à défaut, elle n’est que « langue morte ». Certes, l’évolution fait peur parce qu’elle entraîne vers l’inconnu, source d’insécurité. Pourtant, elle est un merveilleux pari sur l’avenir dont les artistes sont les messagers, l’art étant une langue universelle.
Je pense enfin que le croisement des arts et l’inclusivité sont les clefs d’une Renaissance artistique et musicale. C’est en ce sens que j’ai programmé en 2023 à Saint-Guillaume la première mise en scène française d’un Stabat Mater (celui de Pergolèse) où le Christ était incarné (au sens étymologique) par l’actuel Champion du Monde de Pole-Dance. Naturellement, nous avons été menacés de mort… bien entendu, on nous a taxé de vouloir provoquer ou tout simplement de vouloir faire un coup de communication !
Pourtant, cela n’était en rien mon objectif. Une seule mission m’importait alors, aller réellement à la rencontre du public pour faire vivre une musique classique aujourd’hui quasi morte.
On ne peut se lamenter sur la moyenne d’âge du public de la musique classique, son absence de mixité ou de renouvellement sans oser s’attaquer aux causes profondes. La musique classique ne parle plus qu’à une infime partie de la population car l’exercice du concert est issu d’un rituel social du 19e siècle qui n’a plus de sens pour beaucoup. C’est un fait incontestable. Le concert doit ainsi continuer d’exister, cela est primordial, mais il ne se suffit plus à lui-même.
Ainsi, montrer le Christ sur une Croix du 21e siècle, la Pole-Dance, prend tout son sens. Nous n’avons rien changé à l’histoire tout en essayant de briser des clichés, la Pole-Dance étant bien un sport et un art, pratiqué également par des hommes et non que par des femmes et uniquement dans des boîtes de nuit. Le pari a été plus que réussi car pour la première fois, nous avons accueilli un public entièrement mixte tant en termes d’âges que de catégories sociales : les uns ne connaissant pas la Pole-Dance, les autres écoutant pour la première fois de la musique classique. Ce soir-là, nous étions vraiment vivants et humains : une grand-mère de 90 ans et un jeune queer de 20 ans pleuraient, côte-à-côte, d’émotion devant la même expérience artistique car, pour les citer : ils n’ont pas écouté mais ils ont vécu un concert.
Il me tient particulièrement à cœur de défendre une programmation ouverte, nouvelle et audacieuse ou chaque art a sa place car l’un n’est pas supérieur à l’autre. Nous confronter à l’altérité ne peut être que source d’émerveillement et d’enrichissement ! Que Saint-Guillaume, qui fut au Moyen Âge la paroisse des bateliers, soit ainsi un phare dans la tempête que nous traversons…
Cyril Pallaud
Directeur artistique de Passions Croisées à Saint-Guillaume
cpallaud@saint-guillaume.org
*Antoine Printz, chercheur en sociologie