En quelques décennies, le numérique est passé du statut de phénomène marginal réservé aux technophiles à un raz de marée inondant tous les aspects de la société. Si cette (r)évolution astreint les organisations à des transformations parfois délicates, elle doit également être considérée comme une mutation culturelle dont l’étude permettra d’en comprendre les effets et les anticiper.
À mesure que les technologies numériques ont rayonné dans chacune des activités humaines, elles ont exigé des aménagements dans de nombreux domaines : commercial, juridique, écologique ou encore dans le champ de l’information. Des questionnements sont apparus, comme celui de la protection des données personnelles, de la désinformation ou encore de la fracture numérique, et des adaptations ont dû être réalisées pour y répondre urgemment. Derrière ce tumulte, d’autres questions commencent à transparaître qu’on pourrait condenser en une seule: si le numérique continue sur sa lancée, ne pourrait-il pas provoquer une transformation encore plus profonde de la société humaine ?
Les interfaces qui se sont installées entre nous et le monde physique et sensible comme entre nous et nos semblables, ne sont pas neutres. Les bénéfices du numérique sont obtenus au prix de la modification de notre manière de communiquer et de nous informer, de notre façon d’observer, d’apprendre voire de produire les savoirs. En cause : des règles et des contraintes inhérentes à l’outil. Ces codes ont d’ores et déjà été intégrés par les jeunes générations au point que certains contenus, et les médias associés, perdent leur audience. Cette réflexion, loin d’être limitée aux seuls aspects « techniques », peut être étendue à bien d’autres piliers de notre société. Les réseaux sociaux, les pseudo-débats et les bulles d’approbation mutuelle qu’ils véhiculent, ont-ils une influence sur l’enracinement d’idées et de concepts mal digérés et falsifiés ? Quels effets ont les usages des plateformes professionnelles sur la perception du travail et les relations entre collaborateurs ? Que dire de l’expérience que nous faisons des événements lorsque nous ne les percevons qu’à travers des écrans ou en nous immergeant dans un métavers ? On constate aujourd’hui la capacité d’une intelligence artificielle à produire des contenus didactiques : ceux-ci peuvent-ils légitimement être considérés comme des objets de savoir ?
Alors si on admet que nous sommes faits d’expériences et de connaissances accumulées au gré de nos échanges avec le monde et dans la mesure où la nature de ces échanges est profondément modifiée : peut-on aller jusqu’à affirmer que l’humanité subit une mutation culturelle ?
Toutes ces questions légitimes trouveront réponse dans l’observation rigoureuse des évolutions techniques, des usages et leurs répercussions, éléments constitutifs d’une culture numérique qui mérite mieux que des débats éphémères et des jugements hâtifs.
Observer, comprendre et transmettre sont plus que jamais les clés pour penser notre avenir et ne pas risquer de subir les conséquences d’évolutions, profondes et rapides, qui nous échapperaient.
audrey.bordonne@unistra.fr
A noter le prochain événement du Centre de culture numérique : La conférence | Où nous mène le numérique – Le jeudi 30 novembre 2023 de 18:30 à 20:30 : https://ccn.unistra.fr/lactu-du-numerique/actualite/news/conference-ou-nous-mene-le-numerique/